La nouvelle économie 

Le phénomène le plus marquant pour le capital risque à la fin des années 90, a été bien entendu celui de la « nouvelle économie », que l’on peut définir comme la combinaison des facteurs suivants : • l’apparition de nouvelles technologies dans le domaine de l’information et de la communication, notamment Internet ; • l’apparition de nouveaux biens et services liés à ces technologies ; • l’intégration de ces nouvelles technologies dans les processus de l’ancienne économie (automobile, transports, etc.), pouvant entraîner la réorganisation et la restructuration des entreprises ; • la hausse des marchés boursiers liée à la performance des économies, elle-même attribuée en majeure partie à l’augmentation de la productivité des entreprises ayant eu recours aux nouvelles technologies ; cette augmentation de productivité semblait marquer l’avènement d’un nouveau cycle de longue durée de croissance économique. Pour financer les jeunes entreprises qui ont développé ces nouvelles technologies, les produits et les services dérivés, il a fallu faire appel au capital risque pour suppléer à la difficulté d’accès aux marchés financiers et aux crédits bancaires. En l’an 2000, les montants investis en capital risque aux États-Unis ont culminé à $106 milliards, contre $41 milliards en 2001.
Cette décrue significative, concomitante à la chute des marchés boursiers à partir de Mars 2000(en particulier des valeurs technologiques) a reflété une plus grande sélectivité de la part des investisseurs : les jeunes sociétés n’ayant pas atteint le seuil de rentabilité (point mort), ont été lâchées par les financiers et ont mis la clé sous la porte. La plupart des capital-risqueurs ont reconnu :

 

    1. qu’ils passaient plus de temps à faire la chasse aux dossiers qu’à s’occuper de leurs participations existantes ;2
    2. que les marchés boursiers constituaient une sortie rapide et attractive et qu’ils n’assumaient pas le rôle d’acclimatation des entreprises aux marchés financiers, ce qui explique la plupart des déboires des jeunes sociétés cotées ;
    3. que le marché des nouvelles technologies était surestimé : publicité, infrastructures, clients ;
    4. que les valorisations, fondées la plupart du temps sur des perspectives à long terme et par référence aux grandes valeurs de type CISCO ou NORTEL, s’appliquaient avec peu de discernement aux start-ups ;
    5. que, les équipes des sociétés de capital risque n’étant pas extensibles facilement, il était plus facile d’investir 10 millions d’euros qu’un million pour une charge de travail équivalente ;
    6. que la balance, qui avait penché en 1999 et au début 2000 en faveur des entrepreneurs, s’est déplacée du côté des investisseurs : l’argent est redevenu roi. En conclusion, la « nouvelle économie » a été à l’économie ce que la « nouvelle cuisine » a été à la cuisine : un mouvement de transformation qui a fini par s’intégrer au paysage. De ce mai 1968 de la Finance, il reste aussi pour les investisseurs en capital à se remettre d’une formidable gueule de bois puisque, pour la première fois depuis 1974, les fonds enregistraient des retours sur investissement négatifs deux trimestres consécutifs (– 6,3 % pour le quatrième trimestre 2000, – 8,9 % pour le premier trimestre 2001), comme l’a démontré une étude mondiale réalisée par Thomson Financial Venture Electronics. Comme l’expliquait Paul Zwillenberg, associé chez KPE (cabinet de conseil en médias), « tout s’est passé très vite en Europe, cette frénésie a commencé en été 1999 et s’est effondrée au printemps 2000, alors qu’aux États-Unis, elle durait depuis 1995 » (Connectis, avril 2001). L’Europe était sans doute caractérisée à la fois par un manque de spécialistes des technologies et par un grand nombre d’étudiants d’écoles de commerce convaincus de la facilité de créer des entreprises en copiant des modèles venus des États-Unis

  1.  

La bulle LBO et la crise de 2007

L’activité du capital investissement ressemblait avant la crise de 2007 au Guinness World Records ; elle a vu le record du plus gros fonds levé ou de la plus grande opération LBO .Ainsi, la période extrêmement faste des années 2005 2008 est révolue et beau-coup de fonds ont fait face à des difficultés. Cependant, cette bulle du LBO n’était pas basée sur des facteurs purement artificiels. Il faut rappeler que son développement tenait à la combinaison des facteurs suivants :

-le nombre important d’entreprises créées après la Seconde Guerre mondiale,que leurs dirigeants souhaitaient très naturellement vendre ;–le recentrage des grands groupes sur leur core business ou la nécessité pour eux de revendre des actifs pour diminuer leur endettement ;

-le développement des LBO secondaires.

Malgré cet environnement favorable, une partie de l’industrie du Private Equity a commis de graves fautes par « gourmandise ». Pour les comprendre, il faut s’intéresser à la genèse de cette crise :

-la faiblesse des taux américains et la permissivité des banques ont encouragé le montage de LBO avec des effets de levier de plus en plus importants ;

-au beau milieu de l’euphorie, le marché immobilier américain s’est retourné,entraînant des faillites de banques et la contamination de leurs portefeuilles,avec comme conséquence une perte de confiance et une augmentation du coût du crédit ;

-un flux important de dette LBO syndiquée arrive sur le marché et ne trouve plus preneur. Les fonds, du fait de l’effondrement de la bourse, perdent une possibilité de désinvestissement importante ;

-la crise financière entraîne l’économie dans la récession, les entreprises ciblées ont du mal à faire face aux échéances de leurs dettes.

Néanmoins, si beaucoup ont parlé du mur de la dette, les victimes de l’abus du leverage dans le LBO sont restées limitées à quelques cas, dont il est difficile de dire s’il s’agissait d’une crise du secteur ou d’une crise liée à la fragilité de la structure financière. Par exemple, Toys “R” Us, une chaîne de magasins de jouets bien connue, a déposé le bilan en 2017, en grande partie à cause de la lourde dettecontractée lors de son rachat par LBO en 2005. La société n’a pas pu générer suffisamment de revenus pour rembourser cette dette massive, ce qui a conduit à sa faillite. De même, Vivarte, une entreprise de distribution de textile, a également souffert d’une structure financière fragile après un LBO, l’empêchant de supporter les charges financières accrues et menant finalement à sa chute. Ces exemples illustrent les risques associés à des montages financiers excessivement « leveragés », où la dépendance à des niveaux élevés de dette peut devenir insoutenable en période de turbulence économique.

La pandémie de Coronavirus 

La pandémie de Covid‑19 a introduit de nouveaux termes et imposé des changements dans divers secteurs, dont celui du capital investissement. Audépart, on s’attendait à ce que les marchés mondiaux du capital investissement souffrent fortement de l’impact économique de la pandémie. Cependant, après une forte baisse en avril et en mai 2020, la valeur des transactions et des sorties a fortement rebondi au troisième trimestre. La période allant de la deuxième moitié de 2020 jusqu’à l’ensemble de l’année 2021 s’est avérée finalement très favorable.

En revanche, la pandémie a tout de même entraîné son lot de complications auxquelles les investisseurs et les entrepreneurs ont dû faire face :

•capacité limitée à effectuer des visites sur place : en effet, les visites physiques des locaux d’une entreprise permettent d’obtenir des informations plus approfondies sur sa viabilité, au-delà de ce qui peut être déduit de la documentation ;

•opérations retardées ou annulées ;

•besoin d’un processus de due diligence plus approfondi et d’une documentation organisée pour compenser l’absence de visites sur place ;

•répondre aux multiples questions posées par le LPs dans un contexte socioéconomique complexe.

La pandémie a également amené son lot d’améliorations, une nouvelle façon de faire des affaires. Premièrement, le besoin de s’adapter au travail à distance et aux opérations numériques a poussé les sociétés de capital investissement à adopter plus rapidement la technologie de type visioconférence. Et comme dans toute période de crise, les sociétés de capital investissement qui ont investi dans certains secteurs, tels que les soins de santé, la technologie, le commerce électronique et les outils de collaboration à distance, ont bénéficié de l’augmentation de la demande et de l’expansion du marché.

Inflation et taux d’intérêt, les ennemis du LBO

On se rappellera de 2023 comme une année de résilience économique, malgré des défis persistants. Les économies mondiales ont dû s’adapter à des taux d’intérêt élevés et à une inflation toujours présente, bien que réduite par rapport à 2022. La stabilisation des chaînes d’approvisionnement et la modération des prix de l’énergie ont aidé à atténuer certaines pressions inflationnistes. Toutefois, la guerre en Ukraine a continué d’affecter les marchés de l’énergie en Europe. En outre, la hausse des taux d’intérêt par les banques centrales, visant à contrôler l’inflation, a influencé les investissements et les décisions de financement

En 2020, selon les données du FMI, le taux d’inflation de l’économie mondialeétait de 1,93 %. Dès 2021, on notait une accélération à 3,5 %, pour atteindre 8,3 % en 2022 et redescendre à 6,8 % en 2023 (FMI), se détachant de 2022 qui marquait la moyenne annuelle la plus élevée depuis la crise économique de 2008, au cours de laquelle le taux d’inflation avait atteint 8,95 %.

Les banques centrales ont été forcées de réagir et d’augmenter les taux d’intérêt. Rendant les emprunts plus coûteux, cette opération a pour but de décourager les dépenses des consommateurs et des entreprises, réduisant ainsi la demande globale et exerçant une pression à la baisse sur les prix (lois de l’offre et de la demande).

Prenons comme exemple la Banque centrale européenne (BCE). En 2022 et 2023, la BCE a augmenté ses taux d’intérêt pour atteindre les niveaux les plus élevés depuis la crise financière de 2008. Après près de huit ans à 0 %, le taux principal de refinancement a atteint 4,25 % en juin 2024 après un pic à 4,5 % en septembre 2023. Ces hausses de taux ont eu lieu malgré les risques de récession économique dans la zone euro.

Le rapport annuel de 2024 sur le Private Equity de Bain & Company précise que l’inflation et la hausse des taux d’intérêt ont eu un impact significatif sur le secteur mondial du capital investissement. La valeur totale des opérations de buy-out à l’échelle mondiale, qui, après avoir atteint un niveau record absolu de 1 250 milliards de dollars en 2021, a chuté de 60 % en 2023.

 

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